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La technologie des NFT (Non-Fungible Tokens), à la fois complexe et novatrice, soulève d’importantes questions juridiques, notamment en matière de droit des marques. Ces jetons non fongibles, qui gagnent rapidement en popularité, touchent de nombreux secteurs tels que l’économie, le sport, les jeux vidéo, et les marques de luxe.

L’Essor des NFT dans le Monde des Marques

Les entreprises de luxe proposent de plus en plus des produits sous forme numérique dans le métavers. Le premier objectif des marques est de gagner en popularité en atteignant des cibles qui ne sont pas celles du monde physique. Gucci a par exemple créé l’espace « Gucci Vault » dans lequel les joueurs, les créateurs et la marque se réunissent pour vivre une expérience unique dans le métavers Sandbox. Cet espace comprend une chasse au trésor de NFTs, des articles vestimentaires digitaux et des accessoires de mode disponibles à l’achat.

L’utilisation des NFT offre aux marques un moyen de garantir l’authenticité et la traçabilité de leurs produits, luttant ainsi efficacement contre la contrefaçon. Des entreprises comme la française Arianee sont à l’avant-garde, proposant des certificats numériques basés sur la blockchain.

Aussi, le développement croissant de la technologie des jetons non-fongibles met-il en péril l’efficacité de la protection juridique des marques ?

NFT et Protection Juridique des Marques : Un Terrain Glissant ?

La question de l’intégration des NFT dans le cadre légal du droit des marques est délicate. Le principe de spécialité, pilier du droit des marques, garantit un monopole d’exploitation des marques pour des produits et services spécifiques. Cependant, l’adéquation des NFT avec ce principe a été longtemps floue, jusqu’à l’introduction de libellés officiels dans la classification de Nice en janvier 2023.

Les NFT sont des lignes de code sur la blockchain contenant notamment, au sein du smart contract, un lien vers le fichier numérique sous-jacent. Ces fichiers peuvent être des images, du son, des textes. Souvent les NFT sont perçus par le public comme étant des images virtuelles représentant des œuvres d’art ou encore des produits (habillement, maroquinerie).

Ainsi, la classification du NFT, au sein de l’Arrangement de Nice, doit-elle se faire en vertu de la fonction esthétique, c’est-à-dire de la reproduction numérique du produit qu’il représente ? Ou bien selon des constatations purement matérielles liées à la nature du NFT en tant que tel, c’est-à-dire des lignes de code sur la blockchain ?

Intervention de l’EUIPO dans la Classification des NFT

L’Office européen pour la propriété intellectuelle (EUIPO) répond à cette question dans sa douzième édition de la classification de Nice, entrée en vigueur le 1er janvier 2023. Elle consacre désormais expressément la possibilité d’enregistrer des marques en classe 9 pour des produits virtuels et NFT, dans la mesure où ils sont traités comme des contenus et des images numériques. L’EUIPO précise toutefois que « le terme « produits virtuels » en lui-même manque de clarté et de précision, de sorte qu’il convient de préciser davantage le contenu auquel les produits virtuels se rapportent (par exemple produits virtuels téléchargeables, à savoir, vêtements virtuels). Aussi, les NFT authentifient des éléments numériques mais sont distincts de ces derniers.

Pratiques et Jurisprudence : Vers une Protection Renforcée des Marques

Force est de constater que dans la pratique, les NFT représentent souvent des produits virtuels correspondant à des articles d’habillement (classe 25) et des sacs (classe 18). Cette technologie étant nouvelle et la complétion de la classification de Nice très récente, les titulaires de marques protégées par les classes 18 et 25 n’ont pas (dans la majorité) appréhendé l’émergence croissante des NFT. Leurs marques n’étant pas protégées par la classe 9, ils ne peuvent en principe contester les atteintes au droit des marques faites par les développeurs de NFT sur leurs produits et services.

Toutefois, l’appréciation globale du risque de confusion permet d’apprécier les similarités des signes en cause sur un terrain d’ensemble, au regard des similitudes visuelles, phonétiques, verbales ou encore conceptuelles.

Aussi, si les NFT sont des lignes de code, ils représentent visuellement des produits et services grâce aux fichiers numériques inscrits dans ces codes. Il est crucial d’examiner le NFT dans son ensemble, ce qui inclut non seulement son code informatique mais également le contenu numérique qu’il contient. En effet, l’utilisation d’une marque déjà existante par un NFT peut compromettre la fonction principale de cette marque : assurer aux consommateurs que les produits ou services proviennent d’une source spécifique et fiable.

Autrement dit, la similitude doit s’apprécier entre deux produits ou services intrinsèquement liés quant à leur utilisation, et ce même si les produits et services en question n’appartiennent pas à la même classe. En considérant le NFT comme un tout (au regard tant dans sa nature que de ce qu’il représente) et à travers l’appréciation globale du risque de confusion, l’obstacle tenant au principe de spécialité du droit des marques est légitiment écarté.

La décision du juge dans l’affaire Hermès contre Birkin illustre clairement ce raisonnement : il suggère de manière sous-entendue que l’acquisition d’un NFT, qui représente un sac en version numérique, n’est pas motivée par l’utilité pratique de ce sac, mais plutôt par sa valeur symbolique ou artistique.

L’important n’est donc pas que les fonctions traditionnelles d’un sac, comme contenir des objets, ne soient pas réalisables par une représentation numérique de ce sac. Ce qui compte est l’image que ce NFT puisse représenter pour les acquéreurs : un sac Birkin numérique. Il y a une certaine transposition de la vision du sac physique au sac numérique.

Conclusion : Les NFT, une Opportunité pour le Droit des Marques

En conclusion, l’avènement des NFT présente à la fois des défis et des opportunités pour le droit des marques. Les affaires judiciaires récentes, comme celle d’Hermès contre Birkin, montrent que le cadre juridique peut s’adapter pour protéger les marques tout en reconnaissant la valeur des biens numériques. Les NFT encouragent une réflexion nouvelle sur la propriété et l’authenticité à l’ère numérique, enrichissant ainsi le paysage juridique et offrant de nouvelles avenues pour les stratégies de marque.

Dreyfus et Associés collaborent étroitement avec un réseau d’avocats experts en Propriété Intellectuelle. Face aux défis posés par les nouvelles technologies, notamment les NFT, Dreyfus et Associés vous guide à travers les méandres juridiques des NFT face au droit des marques. Pour une expertise de pointe, contactez-nous et suivez-nous sur les réseaux sociaux !