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En 2014, la célèbre chanteuse Robyn Rihanna Fenty a rejoint la marque de vêtements Puma en tant que directrice créative et ambassadrice, inaugurant ainsi une collaboration fructueuse. Un an plus tard, en septembre 2015, cette collaboration a donné naissance à la première collection « Fenty x Puma », mettant en avant le modèle emblématique « Creeper » (Fenty Creeper). Cependant, la divulgation de ce nouveau modèle avant sa demande d’enregistrement a compromis sa protection complète et s’en est suivi une saga juridique.

Le 6 mars 2024, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu une décision majeure dans l’affaire T-647/22, opposant la société Puma SE à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en clarifiant les enjeux liés aux critères de protection des dessins et modèles communautaires, ainsi que les causes de nullités, impactant directement les stratégies de protection des droits de propriété intellectuelle des entreprises.

Contexte de l’affaire

Dans cette affaire, Puma SE, la célèbre marque de vêtements contestait une décision de l’EUIPO annulant un dessin communautaire représentant une chaussure, déposé par la société Puma le 26 juillet 2016.

Le 22 juillet 2019, une entreprise néerlandaise tierce a en effet engagé une procédure en nullité de ce dessin communautaire, invoquant la divulgation préalable de celui-ci par la société Puma, notamment à travers des publications sur les réseaux sociaux.

En l’espèce, l’entreprise néerlandaise soutenait que le dessin contesté était dépourvu de caractère individuel car il avait été divulgué par la Société Puma plus de douze mois avant la demande d’enregistrement, dépassant ainsi le délai de grâce accordé pour la protection du dessin ou modèle.

Pour argumenter son recours, la société requérante a présenté diverses photographies extraites de publications sur le compte Instagram de la chanteuse Rihanna datant du 16 et 17 décembre 2014, qui annonçait son partenariat avec la société Puma, ainsi que des articles de presse en ligne exhibant des images du modèle de chaussure peu après sa nomination comme directrice de création de la marque. Or, la société Puma n’a procédé au dépôt de la demande d’enregistrement de son modèle de chaussure que le 26 juillet 2016, soit sept mois après la fin du délai de grâce prévu.

Par décision du 19 mars 2021, la division d’invalidité a fait droit à la demande de l’entreprise néerlandaise de déclarer invalide la protection du dessin et modèle communautaire. Puma a alors formé un recours contre cette décision le 21 avril 2021.

Les conditions fondamentales de protection d’un dessin ou d’un modèle

L’octroi de la protection d’un dessin ou modèle est subordonné à certaines conditions de fond, telles que sa nouveauté, son caractère propre et sa conformité à l’ordre public et à la morale. Comme mentionné précédemment, la nouveauté d’un dessin ou modèle implique qu’aucun dessin ou modèle identique n’ait été divulgué antérieurement. Un dessin ou modèle est considéré comme divulgué s’il a été rendu public par publication, exposition, utilisation dans le commerce, ou de toute autre manière avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement.

Cependant, le créateur d’un dessin ou modèle dispose d’un délai de grâce de 12 mois précédent la demande d’enregistrement d’un dessin ou modèle, dans lequel la divulgation ne fera pas obstacle aux critères de nouveauté et de caractère propre.

En plus de l’exception du délai de grâce : si la divulgation n’a pas pu être raisonnablement connue des milieux spécialisés opérant au sein de l’Union européenne, elle ne sera pas prise en compte. Cette règle vise à protéger les intérêts des créateurs qui pourraient, sans intention ou involontairement, rendre publiques leurs créations avant l’enregistrement.

L’analyse de la Cour de Justice de l’Union européenne

La Cour a confirmé que le dessin et modèle avait été rendu public avant le dépôt de la demande d’enregistrement par Puma. Les juges ont conclu que les images étaient suffisamment nettes et détaillées pour identifier les caractéristiques distinctives du dessin et modèle, tels que les motifs linéaires le long de la tige et les éléments décoratifs délimitant la structure de la chaussure. Ils ont également estimé que la qualité des images, permettait de révéler clairement ces détails sous différents angles.

Ainsi, les photographies fournies par la société néerlandaise ont démontré que toutes les caractéristiques du dessin étaient identifiables à l’œil nu ou en agrandissant les images, avec une qualité suffisante pour prouver que la divulgation antérieure à la période de grâce de douze mois prévus par la réglementation européenne.

En outre, aucune preuve de modification ou d’altération des images n’a été identifiée, renforçant ainsi leur fiabilité en tant que preuves. La Cour a également souligné que la notoriété de Rihanna et son partenariat avec Puma garantissaient une large accessibilité de ces divulgations, les rendant ainsi susceptibles d’être connues des milieux spécialisés, comme en témoigne le grand nombre de mentions « j’aime » et de partages des publications de la chanteuse.

Implications de la décision

Cette affaire met en lumière la nécessité pour les titulaires de dessins et modèles de prêter une attention particulière à la divulgation de leurs créations avant tout enregistrement et leur impose des exigences significatives :

  • Rigueur dans la gestion des divulgations : Il est impératif pour les entreprises de gérer avec précaution toute divulgation publique de leurs dessins avant de déposer une demande d’enregistrement. Cela assure que les dessins conservent leur nouveauté et leur caractère individuel requis pour la protection.
  • Favoriser des accords de confidentialité : avec les employés et les personnes externes impliquées dans le projet, afin de prévenir toute divulgation du dessin ou modèle.
  • Dater la création du dessin ou modèle : afin de pouvoir revendiquer l’antériorité.
  • Renforcement des preuves : En cas de litige, les preuves de divulgation doivent être nettes et persuasives, non seulement pour soutenir la validité d’un dessin mais aussi, potentiellement, pour en prouver l’invalidité.

Conclusion

Cet arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne met en lumière l’application stricte des règles régissant la divulgation des dessins et modèles communautaires. La Cour souligne que toute divulgation imprudente avant le dépôt peut compromettre la protection de ces dessins et modèles en les privant de la nouveauté et du caractère individuel nécessaires à leur protection. Cette décision, à la fois précise et cruciale renforce la protection juridique des dessins et modèles en soulignant la nécessité d’un contrôle strict des divulgations avant le dépôt, tout en rappelant aux titulaires de droits leur responsabilité de s’assurer que toutes les divulgations respectent les délais prescrits par la réglementation européenne.

Le cabinet Dreyfus & Associés offre une expertise spécialisée dans le domaine des dessins et modèles communautaires, fournissant des conseils et des avis stratégiques cruciaux pour sécuriser vos créations et garantir leur protection face aux revendications des tiers, assurant ainsi une défense efficace de vos droits en matière de propriété intellectuelle.

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